Jean-Noël CUÉNOD est correspondant de la Tribune de Genève et de 24 Heures à Paris

 

 

Bernard Thomas-Roudeix ou les troublantes merveilles de l’art défiguratif

Si votre TGV vous lâche à Paris, ne ratez pas l’exposition d’un artiste qui va au bout de nos rêves, le peintre sculpteur et céramiste Bernard Thomas-Roudeix. Elle se déroule à Sèvres, tout près de Paris dans un lieu nommé SEL (Sèvres-Espace-Loisirs). Ce qui convient fort bien à Thomas-Roudeix, l’homme et son œuvre n’ayant rien de fade. Elle se terminera le 6 mars.

Il est toujours un peu ridicule – et agaçant pour celui qui en est victime – d’enfermer un artiste dans une catégorie. Figuratif ? Abstrait ? Bernard Thomas-Roudeix n’est ni l’un, ni l’autre. Disons que son art est défiguratif. La figure humaine ou animale est déconstruite pour se reconstruire en révélant l’enfant tapi dans l’ombre de celle ou celui qui regarde la sculpture.

Une œuvre de Thomas-Roudeix, c’est la vague de l’inconscient qui laisse sur la plage de la conscience des bribes de trésors dérobés par des pirates, le rêve d’un gosse turbulent façonné par les mains les plus expertes qui soient. Le songe multicolore de l’un de ces sales gamins qui crient en pleine messe de couronnement que le roi est à poils et la reine itou. Thomas-Roudeix est un Mai-68 perpétuel. 

La force de cet artiste à l’anarchisme cruel et joyeux réside dans sa parfaite maîtrise technique acquise aux Beaux-Arts à Paris et peaufinée dans la restauration des monuments historiques. Il peut ainsi re-présenter ce qui, en d’autres mains, serait irreprésentable. Quel autre artiste est en mesure, comme lui, de sculpter de la fumée ?

Dans cette ère du « tout se vaut », comme le dit son ami et peintre Philippe Rillon, où les kooneries et autres fabritudes nous les brisent menus, Bernard Thomas-Roudeix fait tache. Il rappelle, l’insolent, que l’art et la poésie dérivent tous deux du verbe « faire ». Il y a donc les faiseurs qui ne font que du vent et les poètes qui, en « faisant » vraiment, le sculptent.

Jean-Noël Cuénod

lien vers son blog et son article sur Bernad Thomas-Roudeix